#bio #indonesia
Baluchon et Delsey
Au chaud au bureau, je chauffe mon siège, Kings of Leon dans les oreilles. Je sombre doucement dans une torpeur moite, la tête embrumée par des odeurs avant-coureur de cengkeh. J’aimerais bien me laisser aller à la rêverie pour une fois, sentir l’air chaud de Jakarta me gifler le visage par la fenêtre ouverte d’un angkot filant moteur hurlant, sentir la chaleur des bras de ma tendre sayangku me serrant le cou… Rien qu’une fois, avant de partir, pour de bon. En l’espace de 3 mois, jamais je n’ai eu le temps de m’envoler par l’esprit dans ce pays de mon coeur. Pas un seul instant pour réaliser, pas une seconde pour s’abandonner. Que du concret, du réel… Le réel m’emmerde parfois!
Aujourd’hui l’air a une odeur de fin d’ère. Baluchon à l’épaule, Delsey au bout du bras, je m’en suis allé de mon appartement de transit, laissant derrière moi les décombres abandonnées d’une vie sans histoire et sans passé à Lyon. De mes quelques mois de célibat, je ne retiendrais finalement que peu de choses, parenthèse éphémère hors du temps, neutre, presque fade. Vie passée entre départ et retrouvailles, mais jamais vraiment ni dans l’un ni dans l’autre. Le verre à moitié vide, à moité plein, toujours entre deux, frustré par l’absence de joie, l’absence de peine. Cette vie pour moi, c’était celle de la transition calme, réfléchie. Ce n’est plus la transition passionnée de mon année à Cranfield, lorsque le verre était soit vide, soit plein, jamais entre deux. Ce n’est pas la dernière non plus.
Le voyage est une aube qui s’éternise nous dit Bernard Giraudeau. J’aimerais le croire. Moi mon Soleil, ça fait belle lurette qu’il est bloqué à midi, qu’il m’assomme de ses rayons et qu’il me laisse sans point de repère. Mais depuis quelques semaines, je le sens s’incliner, je le sens me guider. Les reliefs s’accentuent, les ombres s’allongent, peu à peu je reprend pied et je marche vers lui. Il paraît qu’on ne peut jamais l’atteindre… Tant pis, au moins cette fois nous serons deux à le chercher.