Green pastures

Toujours les mêmes gestes. La jambe droite. Puis la jambe gauche. Toujours. Sac sur le dos, mains sur le guidon, une impulsion et hop je décolle. L’asphalte glisse sous mes pieds, emportant avec lui les murs de briques de Mitchell Hall, le gazon soigné du cricket pitch et les hangars métalliques de l’université. La route s’allonge devant moi tandis que le souffle d’un bi-réacteur passe au dessus de ma tête pour terminer sa course devant un troupeau de moutons hagards. Au loin déjà, le tarmac étire ses 1800m de longueur dans un lit de feux multicolores.

Et puis la route s’arrête, laissant place à un chemin défoncé s’enfonçant dans la verdure. Un goût de terre humide dans la bouche, je glisse à toute vitesse sur le flanc des collines, m’accrochant au guidon comme à la bride d’un pur-sang de rodéo. Ma monture vibre, grince, serre les dents tandis que l’air frais frappe mon visage de son parfum d’herbe coupée. De toute part la faune détale, effrayée par les hurlements d’agonie de mon vélo. Je slalome entre des lapins suicidaires, tente d’éviter la queue vagabonde d’un écureuil surpris, pour finalement terminer dans un ultime sursaut d’énergie au bord d’une route peu fréquentée.

Un coup d’oeil sur la carte : je suis au milieu de nulle part, entre une ferme isolée et une ligne à haute tension. Alors je suis la route et je m’enfonce un peu plus loin dans les terres à la recherche d’un peu de civilisation. Ici et là, des maisons apparaissent, toutes semblables avec leurs façades de brique, leur toit en tuile et une plaque sur laquelle est gravé The house that Jack built. Puis au détour d’un chemin, le clocher d’une église jailli, dominant de ses tours fortifiées un parterre de tombes ancestrales aux pierres dangereusement inclinées. Je m’arrête et là, assis dans l’herbe entre deux épitaphes, je profite de la quiétude de l’endroit tandis que les rayons du soleil jouent à cache-cache derrière les nuages.

L’heure passe, il est temps de rentrer, Irma m’attends. Trois coups de pédales et me revoilà devant les carcasses de Cessna qui posent à l’entrée du campus. La lumière baisse, la fatigue gagne. Je range mon vélo et me dirige d’un pas pesant vers le restaurant où m’attend bien au chaud une grande assiette de jacket potato et de sunday roast, avant de monter dans ma chambre… Bonsoir mon coeur, je t’aime.